Je déteste la soupe de potiron. Je déteste les potirons. Je déteste ma mère qui ne sait cuisiner que ça depuis que papa est parti ! Il ne reviendra jamais. Tous ses effets servent à présent de chiffons, de bâches ou même d’habits pour l’épouvantail, planté au milieu de notre champ. Inutile. Inefficace. Les oiseaux s’y perchent, narquois et chaque matin chantent : « Ton papa prouve son inutilité, même après sa mort ! Piou piou ! Regarde comment tout le monde s’en fiche de ton papa ! Piou piou ! ». Je hais les oiseaux. Parfois, j’en ai peur. Il m’arrive souvent d’imaginer qu’un jour ils se rassemblent tous et attaquent le village. Avec la chance que j’ai, ils n’attaqueraient que moi. Ma mère me colle une grosse claque derrière la nuque, ma tête se plante dans la soupe de potion, éclaboussant la table et me valant droit à une seconde claque pour l’avoir sali. C’est habituel. Avant, je pouvais accuser l’alcool. Maintenant je sais qu’elle est comme ça, même sobre. L’alcool ne lui fait plus rien, elle ne boit même plus d’eau. Elle ne se sert même plus d’eau, crade comme une clocharde. Elle continue à se trainer dans la maison, comme un fantôme, à survivre, juste pour le plaisir de me pourrir la vie. Papa me manque.
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